La Vocation du "Jeune" Créateur

Publié le par 001212

Il y a pile 20 ans (mais oui, ouhlala 20 ans !!!), quand j’ai dit à mes parents que je voulais abandonner la préparation de Sciences Po pour devenir styliste, j’ai reçu des réactions, comment dirais-je… ?

Mitigées ? Décontenancées ? Dubitatives ?

Tout cela en même temps !!

Pour vous résumer la situation, alors que pour faire diversion, je parlai de mon amie S, passionnée de théâtre, en disant qu’elle renonçait à passer le concours du conservatoire, mon père a maugréé : « elle est pas folle, ELLE »… Ambiance.

Je sais, à vous raconter mes campagnes je prends un sacré coup de vieux ! J’imagine qu’aujourd’hui, la bachelière qui dirait « Papa/Maman, finalement la Nouvelle Star ça me dit pas trop, je préfèrerais faire de la compta » se ferait jeter de la maison familiale : « ah tu n’en fais qu’à ta tête ? Eh bien tu te la paieras toute seule ta chambre de fac dans les nouveaux containers du Havre ! ».

Evidemment, on pense toujours que son époque était plus belle mais je crois que je remercie mes parents de ne pas avoir « adhérer » tout de suite à ma nouvelle vocation (je vous rassure, ils m’ont beaucoup encouragée par la suite) : rencontrer des obstacles permet de tester sa détermination. Et, dans ce métier, la passion est le MINIMUM requis.

Parce que résister et maintenir son cap dans le monde de la Mode et de la Création relève de l’héroïsme.

Qui maintient « jeune » cependant… Eh oui, dans la mode, le « jeune » créateur a rarement moins de 35/40 ans… Il rame donc depuis une bonne dizaine voire une quinzaine d’années quand vous apercevez son nom écrit en "condensed light" en bas d’une petite photo en page 92 d’un magazine… S’il est arrivé jusque là, bien entendu.

Il y a différents profils de créateurs, différentes voies pour se faire connaître mais tous ont, pendant un temps certain, tirer le diable par le queue, jouant des ciseaux et du mètre ruban dans une improbable chambrette éclairée à la bougie… ! (Bon, j'avais un "camarade" de promotion dont la chambrette de 250m2 donnait sur le Parc Monceau, mais quand même !).

C’est le passage obligé. Celui, sans doute, qui donne à la « réussite » le goût irrésistible qu’elle doit avoir…

Je suis catastrophiste mais il y a tout de même aujourd’hui des portes qui s’ouvrent pour ceux qui ont du talent, un peu de charisme et peut être une ou deux relations.

Les salons, d’abord. Les Who’s Next (ce week end à Paris) et son frère Première Classe pour les accessoires, Prêt à Porter Paris,  Eclat de Mode, Tranoï, etc… (pour ne citer que les français). Mais qui dit salon dit sélection : il faut que votre collection ait été retenue. Qui dit salon dit aussi pépettes ! Pour payer le stand (environ 200 à 400€ le m2 - même si certains salons offrent des stands pour des coups de cœur), pour payer la réalisation de la collection (achat des matières premières – les fournisseurs demandant bien souvent à un « jeune » créateur de payer son dû dès livraison de la marchandise – parfois de la façon – fabrication des pièces par un artisan ou une usine), pour payer une éventuelle promotion sans oublier les sandwichs à 8,50€ qu’il faudra bien manger pendant les 4 jours de la manifestation, les Paul & co ayant le monopole culinaire sur ce genre de manifestations.

La clef étant de montrer son travail, un salon représente l’opportunité de se faire connaître auprès d’une multitudes d’acheteurs de tous horizons (qui, s’ils achètent une partie de votre collection, vous paieront à 90 jours fin de mois bien entendu !!!).

Malgré tout la mode n’est pas un monde si sauvage et c’est même un monde qui aide beaucoup. Il y a notamment pas mal d’initiatives publiques (un personnage charismatique est souvent à l’origine de ces projets, telle Maryline Vigouroux à Marseille à travers l’Institut Mode Méditerranée), les Maisons de Mode comme celle de Lille-Roubaix, pouponnière de talents. Au sommet de l’échelle, il peut aussi y avoir la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne qui « invite » quelques membres déjà bien implantés à défiler pendant la semaine de la Haute Couture, bénéficiant ainsi de la lumière générée auprès de la presse et des acheteurs internationaux par les grandes Maisons telles Dior ou Chanel.

Avec l’ère internet, des sites proposent une mutualisation des moyens pour proposer à différents créateurs d’exposer leurs créations, voire même de les vendre, soit directement, soit en réorientant le visiteur vers une boutique en ligne ou réelle.

Aujourd’hui avec le statut d’autoentrepreneur, les initiatives fleurissent.

Et tant mieux.

Le risque, bien sûr, est que chacun se croie investi d’un talent hors du commun et que le niveau des créations soit assez inégal. Mais, au fond, n’est ce pas le principal, que chacun puisse exprimer sa créativité, sa poésie, son savoir faire ?

S’EXPRIMER en somme.

Moi aussi, regardez, avec mon air de « c’estpasgrave », je ne fais pas autre chose que vouloir attirer votre attention. Parce que MOI AUSSI je suis une « jeune » créatrice, j’y ai droit !

De toute façon, sais pas chanter, alors…

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